La tech doit retrouver son sens premier, celui d’apporter des solutions à l’économie et du progrès à la société
Voilà des semaines que les mauvaises nouvelles s’enchaînent dans la tech. Amplifiée par la propagation des difficultés au-delà des entreprises comme Silicon Valley Bank qu’elles ont affectées en premier, la crise endogène de notre écosystème tech est bien réelle. Mais derrière les difficultés financières se nichent trois causes plus profondes : un accès à des capitaux abondants et peu onéreux, conséquence d’une politique monétaire accommodante, une course à la taille des entreprises de tech pour marquer la puissance des Etats, et des mécanismes d’intéressement des entrepreneurs poussant parfois à une course effrénée à la valorisation.
Au fil du temps, la tech s’est parfois perdue dans des préoccupations qui l’ont écartée de son ADN premier ; celui d’apporter des solutions utiles et de progrès à la société et aux entreprises.
Refocalisons les priorités de la tech sur l’essentiel ! Malgré les mouvements de grande démission et les attentes nouvelles des générations montantes, la nécessité de donner plus de sens au travail et à l’action de l’entreprise s’est paradoxalement diluée dans l’impératif de court terme de beaucoup de start-up qui n’ont pas réagi à la hauteur des enjeux, persuadées que leur écosystème ne changerait pas. Mais dans un monde de capitaux plus rares, le tri s’opère désormais sur l’utilité : contribuer à l’allongement de la durée de vie des produits (Allicoop), proposer une logistique dernier kilomètre (Wolt), limiter le gaspillage alimentaire, fluidifier l’accès aux soins (Medisanté, Endodiag, Cardioline, …), remédier au stress hydrique (bello,..) ou répondre à la demande alimentaire du monde (Mosa Meat, InnovaFeed, infarm, Ynsect…) font partie de l’actualité du monde et ouvrent à de nouveaux champs de développement. Si les technologies de l’information sont nées avec Internet dans les années 1990 ouvrant aux réseaux sociaux et à l’émergence d’une économie de l’attention dans les années 2000, c’est bien un retour au sens 1er de l’utilité qui semble aujourd’hui s’imposer face à la réalité des enjeux du monde.
Penser global dans la tech, c’est désormais penser à ce qui fait l’homéostasie du monde avec à la clé, probablement de nouvelles formes de valorisations. Mais le virage peut être brutal pour certains acteurs.
Les collaborateurs, souvent amputés des leviers de motivation liés à l’hyper-croissance doivent retrouver un autre imaginaire mobilisateur, un autre paradigme d’actions pour guider leur quotidien. La possibilité d’avoir un réel impact positif sur le monde, doit s’insérer et équilibrer les perspectives de carrière, de salaire et la reconnaissance de leur travail par les managers. Derrière ces notions de sens se cachent évidemment une exigence d’authenticité et de courage afin d’assumer ce que les entreprises de la tech sont réellement. C’est donc d’abord à nous, dirigeants d’entreprises de la tech de nous emparer de ces sujets pour organiser et promouvoir le changement de paradigme préalable au fait de les faire pivoter. Mais la tâche est rude. Travailler sur la question du sens implique d’aller plus loin que les formulations parfois trop creuses de la raison d’être ou des valeurs, en entrant dans une vraie logique de la preuve. Promouvoir le réel, l’impact de court terme, avec des actions concrètes, visibles, portées à la connaissance non seulement des publics extérieurs, mais aussi et surtout auprès des collaborateurs.
A titre d’exemple : travailler sur la visibilité des projets en interne en organisant des rendez-vous ouverts hebdomadaires, en donnant la parole aux employés et en les interrogeant sur leurs aspirations et priorités, en apportant davantage de transparence sur les objectifs de l’entreprise ou encore en intégrant la RSE dans les objectifs individuels… Ce sujet de financement sert de révélateur de nos pratiques managériales et de leurs limites. Il nous incite à porter un regard lucide et courageux sur nos modèles managériaux liés à la recherche de l’hyper-croissance. Retrouvons ce courage qui fait le sel d’un dirigeant, c’est-à-dire la capacité à transformer en toutes situations, à innover, et surtout à définir un cap.
C’est peut-être cela la réalité « de sens » que doivent retrouver les entreprises de tech : dire ce qu’elles sont, faire concrètement ce qu’elles disent, et surtout assumer ce qu’elles ne seront jamais. L’Europe a, cette fois, son mot à dire dans la tech, dans la manière de trouver les bonnes solutions à cette crise financière qui est surtout une crise de sens.