« Tournons le dos au management par la pression ! »
Il y a, en France, une épidémie silencieuse, celle des salariés en situation d'épuisement professionnel, de burnout. Et il est urgent d'agir.
Le Premier ministre a fait de la santé mentale la grande cause nationale de 2025. Il a vu juste. Les statistiques nationales sont alarmantes : selon l'association Santé Mentale France, 13 millions de personnes sont touchées par un trouble psychique chaque année, et une sur quatre est concernée au cours de sa vie.
Les entreprises ne peuvent pas fermer les yeux sur cette situation et leurs dirigeants ont un rôle déterminant à jouer pour prévenir les causes de ces troubles.
Le monde du travail actuel concentre en effet une large part des causes de troubles psychologiques. Ceux-ci représentaient, en 2022, 20 % des arrêts maladie - ils en sont la seconde cause, derrière les maladies ordinaires - et 28 % des arrêts de longue durée.
Selon Ipsos, un salarié sur deux, en 2024, se déclare stressé et un sur quatre juge que sa santé mentale se dégrade. Cela concerne tous les échelons hiérarchiques. Le baromètre publié par la plateforme Teale , en mars dernier, avance même que 30 % des collaborateurs envisageraient de quitter leur entreprise pour préserver leur santé mentale.
Il y a donc, en France, une épidémie silencieuse, celle des salariés en situation d'épuisement professionnel, de burnout ; on estime qu'elle concerne entre 300.000 à 500.000 personnes.
Les causes de cette situation sont en réalité très bien connues. Et la principale d'entre elles est la pression.
Cette pression, c'est avant tout celle qu'impose à chacun l'impératif de compétitivité et de performance qui s'est généralisé dans nos entreprises. Celle que subit à peu près tout le monde, cadre ou non-cadre, employé, manager ou dirigeant, et qui découle d' une charge de travail trop importante , résultat de « gains de productivité » imposés par un top management anonyme, et d'objectifs trop ambitieux par rapport aux moyens alloués.
La pression que l'on transmet, parfois involontairement, souvent parce qu'on la ressent soi-même et que ça soulage un peu. Celle que certains managers imposent, parce qu'ils ont l'impression qu'elle va pousser les salariés de leur équipe à de meilleures performances - ou pire encore, pour affirmer leur autorité et se faire respecter, et surtout ne pas paraître 'trop sympa'.
Nous ne devons plus tolérer ces pratiques dans nos organisations. Elles sont délétères pour les salariés comme pour la performance à long terme de l'entreprise. Comme en sport, à trop forcer, à chercher la surperformance à tout prix, on se blesse.
ANALYSE - La santé mentale des salariés est le sujet le plus mal anticipé par les entreprises
CHRONIQUE - Comment réagir face à un manager qui pointe sans cesse vos erreurs ? Ces dernières années, plusieurs études universitaires ont montré un lien entre le bonheur et la productivité, notamment celle conduite par Harvard et le MIT. Selon cette dernière, les salariés heureux seraient 31 % plus productifs et 55 % plus créatifs que les autres.
Chacun a un rôle à jouer dans cette transformation et, en premier lieu, les dirigeants. Les changements doivent nécessairement venir du plus haut niveau et être incarnés au quotidien pour qu'ils se diffusent et 'prennent' au sein des équipes. Quelques idées simples pour enclencher un cercle vertueux entre épanouissement individuel et performance collective ?
D'abord, faire confiance - pas seulement en paroles, dans les actes également - et cesser de croire, d'une façon aussi mesquine qu'erronée, que des équipes soumises à moins de pression vont nécessairement en profiter pour en faire le moins possible. La vraie motivation, celle qui porte des résultats durables, est avant tout intrinsèque.
Ensuite, valoriser la recherche de l'équilibre, plutôt que la surperformance : vous verrez, les résultats s'ensuivront ! Un salarié heureux est aussi un salarié plus productif.
Être exemplaire est tout aussi important. En respectant son propre équilibre entre vie professionnelle et vie privée… et ceux des autres. Cela veut dire, par exemple, ne pas envoyer de messages aux équipes en dehors des heures ouvrées, ou le moins possible ; ne plus programmer de réunions trop tôt ou trop tard pour permettre le respect des missions parentales.
DECRYPTAGE - Autorisons les dirigeants à parler de leurs vulnérabilités
Capital : oser la transparence, oser révéler certaines vulnérabilités. En partageant les moments où il se retrouve sous pression, avec simplicité et humanité, un manager suscitera beaucoup plus la mobilisation de ses équipes qu'en leur mettant la pression !
Tourner le dos au management par la pression n'est pas simple. Cela demande un total changement d'état d'esprit. Mais c'est tellement plus agréable pour les salariés… et pour soi-même ! Et tellement plus efficace pour l'entreprise.
Non, la pression n'est jamais la solution.
Par Cédric Dufour , PDG de Rakuten France et Rakuten TV
Source : Tribune parue dans les Échos.